Protection de l’arc du sourire

Résumé

Contexte/objectif : Le bon collage des brackets est essentiel non seulement au niveau fonctionnel mais aussi pour préserver le sourire du patient. L’objectif de cette étude est d’introduire un nouveau guide de placement des brackets, basé sur la protection de l’arc du sourire. Par conséquent, le tableau est nommé Guide de Position de l’Arc Sourire (GPS-A).

Contenu/méthodes : Deux tableaux basés sur l’expérience clinique des auteurs, un pour la maxillaire supérieure et un pour la mandibule inférieure, sont conçus pour guider le collage des brackets pour obtenir ou préserver le plus bel arc du sourire. Les limitations des autres tableaux habituellement utilisés (Alexander et MBTTM) sont présentés en préalable au nouveau tableau.

Résultats : Les instructions pour utiliser le tableau sont détaillées. Des indications sont donnés quant aux ajustements préalables de la morphologie dentaire.

Conclusions/implications : Les avantages d’utiliser ce guide sont résumés. Le tableau clinique offre une référence facile et fiable pour que les praticiens collent les brackets de façon à garantir des sourires plaisants et des occlusions fonctionnelles.

Introduction

L’esthétique du visage et du sourire sont des caractéristiques essentielles du patient. Et, grâce aux avancées actuelles dans la technologie orthodontique, il est possible de non seulement obtenir une excellente occlusion mais aussi d’améliorer l’esthétique du patient selon ses demandes. Planifier le traitement en prenant en compte l’esthétique du visage pour préserver l’arc du sourire se fait en parallèle avec la stratégie d’obtention d’une parfaite occlusion. L’aide fonctionnelle de l’orthodontie est toujours d’obtenir une occlusion protectrice, c’est à dire que les dents antérieures protègent les dents postérieures des interférences pendant les mouvements latéraux ou de protrusion, et que les dents postérieures protègent les dents antérieures également en apportant un contact adéquat lorsque la bouche est fermée.

L’arc du sourire, dans une vue frontale, a été défini comme la relation entre la courbe des arêtes incisales des incisives et des canines supérieures avec la courbe de la lèvre inférieur en position de sourire. Dans un arc de sourire idéal, la courbe de l’arête incisale supérieure est parallèle à la courbe de sourire minimale de la lèvre. Le terme « consonance » décrit cette relation parallèle. Dans un sourire plat, ou non consonant, la courbe maxillaire incisale est plus plate que la lèvre inférieure en position de sourire.

Selon Frush et Fisher3, une courbe plus aiguë des arêtes incisales supérieures entre les deux canines est plus attirante et fait apparaître la personne plus jeune qu’un sourire plat. Par conséquent, chez les individus ne présentant pas de courbe de la lèvre inférieure pendant le sourire, un arc de sourire reste cependant désirable. Le but devrait être une position idéale d’une canine à l’autre et une occlusion antérieure fonctionnelle.

Le positionnement précis des brackets est essentiel pour finir le traitement avec une excellente occlusion et un beau sourire. De plus, la raison la plus commune pour les retards et les difficultés de traitement est un collage incorrect des brackets. Quand certaines dents sont dans un mauvais positionnement extrême ce n’est pas toujours possible de placer les bracket dans une position idéale pendant la première visite, mais il est pourtant recommandé d’essayer de le faire pour éviter des repositionnements et l’utilisation d’arc compensatoire dans la suite du traitement.

Historiquement le collage des brackets enseigné dans les universités dentaires est mal adapté pour l’obtention d’une esthétique optimale.
Si l’on suppose que tous les patients ont des incisives maxillaires centrales situées à 4,5 mm au dessus de l’arête incisale, des incisives latérale à 4 mm et des canines à 5 mm, et que l’orthodontiste échoue à prendre en compte la relation entre les arêtes incisales et la lèvre inférieure, les critères esthétiques ne seront pas atteint. Un placement personnalisé de l’appareil a autant d’importance qu’un plan de traitement personnalisé.

Le Dr. Tom Pitts a développé un protocole pour la Protection de l’Arc du Sourire (SAP) avec des positions de brackets qui produisent de façon consistante de beaux sourires. Le Dr Tomàs Castellanos a quantifié ce positionnement esthétique en mesurant la longueur des dents. C’est donc une réalisation « Tom-Tom ».

Le collage des brackets est un challenge pour beaucoup d’orthondistes. Ce problème est allégé par l’utilisation de jauge et de tableaux adaptés, que l’on utilise un collage direct ou indirect. La technique Alexander5 utilise la hauteur de la prémolaire (X dans le tableau Vari-Simplex pour la hauteur des brackets) (Figure 1) pour positionner les brackets de tout l’arc.
Par exemple, si la hauteur normale de la rainure d’un bracket de prémolaire est de 4,5 mm à partir de la cuspide occlusale, les autres hauteurs indiquées par ce tableau seraient 5,0 mm pour une canine, 4,0 mm pour une incisive latérale et 4,5 mm pour les incisives centrales.

Le tableau MBT™ (Figure 2) propose un autre guide communément utilisé pour le collage des brackets. Il donne des positions moyenne pour les brackets de l’arc maxillaire de 4,5 mm pour une première prémolaire (X – 0,5 mm.), 5,0 mm pour une canine (X), 4,5 mm pour une incisive latérale (X – 0,5 mm), et 5,0 mm pour une incisive centrale (X)6

Ces techniques de placement de bracket, ainsi que d’autres, basées sur des tableaux et des appareils dentaires connus, offrent précision et reproductibilité. Malheureusement le placement des brackets avec ces écarts de hauteur a tendance à aplatir la courbe du sourire.

Aplatir la courbe du sourire pendant le traitement orthodontique peut se produire via différents mécanismes. L’alignement normal des arcs dentaires maxillaires et mandibulaires peut notamment produire une réduction de la courbure des incisives supérieures par rapport à la courbe de la lèvre inférieure.

Ackerman, et al.,4 ont évalué les arcs de sourire des patients traités ou non traités dans leurs propres pratiques. Presque 40% des patients qu’ils avaient traités présentaient des changements visibles dans l’arc du sourire avec un aplatissement dans 32% des cas. Dans le groupe qui était le groupe traité avec le SAP, 13% présentaient des changements dans l’arc du sourire, mais l’aplatissement n’apparaissait que dans 5% des cas. Cet article introduit un nouveau tableau pour guider le collage des brackets basé sur l’arc du sourire – par conséquent le tableau est appelé Guide pour le Positionnement de l’Arc Sourire (SAP) (Image 1 et 2).

Tableau suggéré pour le placement vertical des brackets

Raison
Le tableau présenté (Figures 3 et 4) est basé sur un grand nombre d’études cliniques, de mesures prises sur des moulages plastiques et de modèles digitaux de patients traités par l’équipe des Drs. Tom Pitts et Tomàs Castellanos. Sa versatilité et son efficacité seront le sujet d’autres articles présentant des cas traités avec succès en appliquant ce tableau.
Le tableau facilite le placement vertical des brackets dans une position qui produit des courbes de sourire adéquates, ainsi que des occlusions mutuellement protectrices.
Il prend en compte la morphologie occlusale, comme l’angle de l’éminence articulaire qui est plus vertical chez les sujets dolichocéphales que chez les patients mésocéphales ou brachycéphales. Chez les patients dolichocéphales les cuspides des molaires sont plus hautes que chez les brachycéphales, et les fosses sont plus profondes ; les couronnes cliniques des dents antérieures sont aussi plus longues dans la direction cervico-incisale. Toutes ces caractéristiques indiquent qu’un overbite plus grand est nécessaire pour désocclure les dents postérieures dans les mouvements excentriques des sujets dolichocéphales. D’un autre coté, les individus avec des visages plus étroits, des éminences ATM plus plates, et des dents antérieures avec des couronnes cliniques plus courtes, ont besoin de moins d’overbite pour désocclure les dents postérieures dans les mouvements excentriques.
De même, quand on considère la relation arc de sourire/profil incisal, les cliniciens doivent extruder les incisives supérieures dans les cas de sourire plat ou maintenir l’arc de sourire incisal quand il est esthétique.

Pour une occlusion fonctionnelle et une courbe de sourire esthétique, une divergence doit être gardée entre la position occluso-gingivale de la rainure et les cuspides occlusifs -ou les arêtes incisales- à partir du deuxième tube molaire jusqu’à l’incisive maxillaire centrale.
La divergence est également importante si l’on considère que la différence en mm entre la hauteur de la rainure de l’incisive centrale et la hauteur en mm du deuxième tube molaire donne une idée du taux d’overbite qu’on obtiendra à la fin du traitement. Elle affecte aussi l’inclinaison du plan occlusal.
L’overbite final quand les incisives supérieures recouvrent trop les inférieures, ou dans les cas de béance, dépendent également des élastiques, des boutons linguaux, des mini-vis, et des autres éléments auxiliaires qui potentialisent l’expression du torque de bracket. Bien sur, les mini-vis peuvent aussi aider à améliorer la position de l’incisive maxillaire par intrusion des incisives mandibulaires quand cela est nécessaire.
Le point de transition entre les segments dentaires antérieurs et postérieurs établit plus en avant le parcours de l’arc du sourire, et par conséquent, le positionnement de toute l’arcade dentaire devrait être prévu en prenant ce point comme référence.
Quand les incisives maxillaires sont plus extrudées pour améliorer la courbe du sourire et la présentation de l’émail, un recouvrement plus important peut être produit par augmentation de l’overbite. Pour éviter cet effet, le tableau introduit une compensation dans la position des rainures de bracket mandibulaire canine à canine.

Instructions pour l’utilisation du tableau (Figures 3 et 4)
Avant d’utiliser le tableau, certains patients ont besoin d’un reshaping des dents pour obtenir une morphologie idéale pour chaque dent. Cette procédure ameloplastique est basé sur l’étude d’un modèle en plâtre et n’enlève que le minimum nécessaire de l’émail dentaire.
L’ameloplastie se fait notamment sur les crêtes marginales prononcées des surfaces linguales, sur les angles des incisives et des crêtes incisales, ainsi que sur les surfaces vestibulaires irrégulières. Les surfaces vestibulaires irrégulières empêchent le placement optimum des brackets, ce qui influe sur le contrôle des rotations et du torque1.
Dans la plupart des cas, les canines requièrent un reshaping pour améliorer leur rôle dans l’arc du sourire. Ce procédé n’interfère pas avec leur rôle fonctionnel de désocclusion.
Les marges gingivales sont très importantes pour l’esthétique antérieure. Parfois, les cliniciens doivent opérer une gingivoplastie initiale au laser, en électro-chirurgie, ou avec une autre technique similaire.
Il est important d’apporter la bonne morphologie, mais les cliniciens ne devraient pas faire du reshaping sur tous les tissus durs et mous, puisque laisser des petits décalages jusqu’à la fin du traitement permet de réaliser un detailling final quand les dents sont dans la meilleure position possible.
Quand les dents présentent des fractures ou une usure anormale, les dents doivent être reconstruites avant la pose des brackets, dans le but d’assurer une anatomie dentaire idéale. Les cliniciens doivent en parler au patient, puisque des restaurations peuvent être nécessaire dans le futur.
Si les molaires maxillaires présentent des cuspides hauts et prononcés, elles doivent recevoir un reshaping pour éviter des interférences ou des contacts précoces. La même chose s’applique pour les cuspides linguaux des prémolaires.
Après avoir obtenu la morphologie dentaire idéale, la hauteur de collage des brackets dans l’arc maxillaire est sélectionnée comme il suit :
Mesurer la longueur de la couronne de la canine maxillaire, du bout de la cuspide à la marge gingivale (après reconstruction, reshaping ou gingivoplastie).
Trouver cette mesure dans les colonnes du tableau SAP (Smile Arc Protection) et choisir le nombre adjacent dans la ligne (Figure 6). Les nombres de cette rangée indiquent les positions de chaque bracket.
Sélectionner de la même manière les hauteurs pour poser les brackets des dents mandibulaires :
a) mesurer la longueur de la couronne de la canine mandibulaire, du bout de la cuspide à la marge gingivale (après reconstruction, reshaping ou gingivoplastie).
b) Trouver cette mesure dans les colonnes du tableau SAP (Smile Arc Protection) et choisir le nombre adjacent dans la ligne. Ces nombres indiquent la position pour coller chaque brackets de la zone mandibulaire (Figure 7).

En général, cette technique permet à l’orthodontiste d’obtenir une occlusion adéquate et un sourire esthétique.

Considérations spécifiques

Les deuxièmes molaires maxillaires doivent toujours être en intrusion. Leurs tubes sont toujours positionnés pour mettre ces dents légèrement en intrusion afin de donner une inclinaison coronale négative et éviter des interférences fonctionnelles. Le décalage entre les incisives maxillaires et l’incisive latérale maxillaire doit être gardé entre 0,5 mm et 1 mm pour permettre le mouvement de la canine mandibulaire pendant les excursions protrusives et également pour améliorer l’arc du sourire.
Des incisives plus longues nécessitent une plus grande différence de hauteur. Pour ces situations le tableau inclus deux options supplémentaires.
Au niveau des molaires mandibulaires, il est important de maintenir un plan occlusal qui offre un raccord correct avec les dents antagonistes.

Personnalisation du tableau pour les cas traités avec extraction de prémolaire.

Les mécaniques efficaces d’aujourd’hui, combinées à l’utilisation de mini-vis avec des systèmes auto-ligaturants passifs pour les mouvements en masse dirigés vers le site d’extraction de la molaire, ont réduit le nombre de patients traités par des extractions de prémolaire. Mais quand l’orthodontiste décide que c’est la meilleure option, le tableau peut être personnalisé. Pour faire cela, le segment antérieur est géré comme normalement indiqué dans le tableau SAP, mais le décalage entre la prémolaire et la canine sera de 0,5 mm dans tous les cas, et le décalage entre la prémolaire et la molaire sera de 1 mm dans tous les cas, afin éviter les interférences d’échelons inadéquats dans ces segments.

Utilisation de la jauge pour le placement vertical de chaque bracket.

La jauge de positionnement qui mesure la hauteur de collage des brackets est placée d’une façon légèrement différente, selon le segment de l’arc dentaire qui est considéré.
Nous suggérons pour la région des incisives, des canines et des prémolaires, d’utiliser le calibreur placé à 90° par rapport à la tangente de la zone médiane. Pour la région des molaires il est suggéré de le placer parallèlement à la surface occlusale de chaque molaire (tracez une ligne imaginaire entre les cuspides buccaux et linguaux de chaque molaire).

Avantages dérivés de l’utilisation de ce tableau.

Une réduction des erreurs de positionnement, qui peuvent être évitées grâce à une meilleure précision.
La reproductibilité, et la prédictibilité du collage de bracket.
Une procédure de collage pratique et standardisée.
Éviter le repositionnement des brackets et/ou l’introduction excessive de fils de correction.
Réduire le temps passé sur la chaise et l’inconfort du patient.
Épargner plusieurs mois de traitement, c’est un outil efficace pour motiver les patients.
Permet un meilleur contrôle des valeurs de torque.

De manière générale, cette technique permet à l’orthodontiste d’obtenir une occlusion adéquate et un sourire esthétique.

REFERENCES

  1. Pitts T. Begin with the end in mind: Bracket placement and early
    elastics protocol for smile arc protection. Clin Impres. 2009;17(1):1-11.
  2. Sarver D, Ackerman MB. Dynamic smile visualization and
    quantification: Part 1. Evolution of the concept and dynamic records
    for smile capture. Am J Orthod Dentofacial Orthop. 2003;124(1):4-12.
  3. Frush JP, Fisher RD. The dynesthetic interpretation of the dentogenic
    concept. J Prosthet Dent. 1958;8:558-581.
  4. Ackerman JL, Ackerman MB, Brensinger CM, Landis JR. A
    morphometric analysis of the posed smile. Clin Orthod Res.
    1998;1(1):2-11.
  5. Alexander W. Build treatment into bracket placement. In: The 20
    Principles of the Alexander Discipline. Chicago, IL: Quintessence;
    2008:59.
  6. McLaughlin R, Bennett J, Trevisi H. Systemized Orthodontic Treatment
    Mechanics. Philadelphia, PA: Mosby; 2001:60-65.
  7. Echeverri E, Sencherman G. Neurofisiología de la oclusión. Columbia:
    Editorial Monserrate; 1991:175–189.
  8. Sarver DM. The importance of incisor positioning in the esthetic smile:
    the smile arc. Am J Orthod Dentofacial Orthop. 2001;120(2):98-111.